Aux copains d’abord
Une poignée d’heures dorées à conserver en mémoire.
Ce vendredi matin-là n’avait rien d’ordinaire, malgré les apparences. Comme d’habitude, nous nous sommes levés tôt pour aller au marché. Nous sommes passés par les mêmes stands que chaque semaine et avons enchaîné avec Lidl pour compléter nos provisions hebdomadaires de riz, pâtes, beurre et autres rouleaux d’essuie-tout.
Ce qu’il y avait d’insolite, c’est que nous faisions les courses pour un seul weekend et en quantités astronomiques : 2kg de patates et d’oignons, 24 crêpes, 24 œufs, 24 joues de porc, 8 bouteilles de jus de fruits, et j’en passe. Une liste de courses longue comme le bras dont nous avions pourtant laissé un bon tiers à Rég et Alan, chargés de la raclette. Ça y était, après des mois d’attente : le weekend à la campagne entre amis débutait.
J’ai attendu l’arrivée de BBM (Ubik était retourné travailler) et nous nous sommes rendus à la brasserie Distoufer afin de récupérer les deux fûts de vingt litres et la machine à pression qui nous permettrait de nous hydra.., euh abreuver tout le weekend (en plus des douze bouteilles de mousseux, des deux litres de rhum, des deux bouteilles de rouge et du cubi de rosé… Nan mais y’a eu des restes, me regarde pas comme ça !)
Maloriel est venue à la maison après déjeuner et comme on avait envie de faire la route tous les trois ensemble et pas à deux voitures, BBM a joué au tetris dix bonnes minutes pour arriver à caser la plus grande partie de nos courses et du matériel et en laisser le moins possible à Ubik. Et c’était parti. Cinquante-cinq minutes de route à travers le maquis de Coatmallouen, puis Corlay, où nous avons bifurqué en direction du lac de Guerlédan, essuyant au passage quelques gouttes de pluie vite concurrencées par le soleil, dont les rayons soulignaient le flamboiement des feuilles automnales.
Alan et Rég’ sont arrivés juste avant nous et nous font faire le tour. Le gîte est composé d’une petite maison attenante à un probable ancien enclos à bestiaux converti en salle de jeux, et d’une écurie rénovée comprenant un dortoir, une salle-de-bain et une pièce à vivre. Le tout, serti dans un grand jardin peuplé de papillons, lui-même ceint par un pré où paissent des chevaux. Le temps que les autres arrivent, on s’extasie. C’est si calme, et si beau ! On s’installe sous la glycine pour siroter l’IP artisanale rapportée par nos amis. La première convainc même BBM, qui n’aime pas la bière. On rentre quand le soleil se glisse derrière les arbres et qu’il commence à faire un peu froid. Arrivent Ubik, puis Gwen, Hélène et Maël, puis Franck. On descend qui de la bière, qui du mousseux, qui du vin, et on pèle des patates, des carottes, des oignons, en grignotant du saucisson et des huîtres. On écoute des playlists 70’s ou 90’s. C’est doux. Quand arrivent Vesna et Pierre, il est 22h, on finit juste de dîner. Les joues de porc au cidre et au miel préparées par Ubik étaient à se damner. On discute à bâtons rompus, on joue à Blanc Manger Coco, qui est le truc le plus beauf et cringe qu’il m’ait été donné d’expérimenter depuis bien longtemps, mais avec des amis c’était juste drôle, puisque safe.
Je vais me coucher vers 2h du mat’ et je mets longtemps à m’endormir, j’écoute ceux qui sont restés et qui attaquent le rhum, et je me marre toute seule.
Je me lève moins tard que je ne le craignais, et même pas la dernière ! Petit-déj’ feutré, clope au soleil. Il fait bon, déjà, on se prélasse un peu, et puis ceux d’entre nous qui ont abusé du rhum et sont debout presque malgré eux proposent qu’on descende au lac, histoire de se décrasser. Bon, « maintenant », quand t’as quarante balais ou pas loin et que t’es lendemain-de-cuité, ça veut dire au bas mot une heure plus tard ^^ Hélène et Maël nous quittent à ce moment-là. Je suis vraiment très heureuse qu’ils soient venus, ce n’était pas évident pour eux de s’insérer dans un groupe qui commence à bien se connaître.
Nous voilà donc marchant avec une allégresse dont on sent qu’on la perdra quand il faudra se taper le dénivelé dans l’autre sens, mais qu’entretient le paysage qui se dévoile. Artificiel ou pas, le lac de Guerlédan est magnifique.
Comme prévu, le retour est un peu pénible, mais moins qu’anticipé, c’est surtout le chemin caillouteux pour atteindre le lac qui est tuant. À la maison, on retrouve Alan, BBM et Ubik, à qui on explique que même Pierre est d’accord pour pique-niquer sur les rives du lac, c’est dire s’il fait beau, et presque chaud, n’est-ce pas !
Une fois encore, ça nous prend bien deux heures de nous préparer. En même temps, va cuisiner des salades et des œufs durs pour dix personnes, toi. On redescend en voiture et on se marre bien d’imaginer la tête des gens qui squattaient encore une des tables, quand ils nous ont vu débarquer avec nos gamelles inox taille xxl et un cubi de rosé. Mu avait carrément son verre à bière dans une main et la bouteille dans l’autre :P
Je discute avec Vesna et Régina. Je soumets l’idée de faire de ce séjour une tradition : une fois par an, on se retrouve tous pour un weekend. Une année en Bretagne, l’autre en pays tourangeau. Elle semble plaire.
À notre retour, on se scinde en deux équipes. Vesna, Malo’, Franck et moi nous étendons sur des chaises longues au soleil et buvons de la « tisane ayurvédique » pour « l’équilibre basique », les autres vont dans le hangar jouer au babyfoot et aux fléchettes. Ça me réchauffe le cœur de les entendre brailler. Je n’ai pas besoin de participer aux conversations. Les savoir là, les écouter échanger et s’entendre si bien alors qu’ils étaient à l’époque deux groupes distincts, qui ne se sont en fait rencontrés que deux fois, me rend profondément heureuse.
Plus tard, ils reviennent, une partie de palets s’organise entre Pierre, Alan, Gwen et Mathias. Nous, on commente, on dirait un club du troisième âge, et on se fait passer un chapeau de paille qui nous transforme mystérieusement en quelqu’un d’autre. On a donc deux bourgeoises, une de Nice et une de Bristol, une détrousseuse mexicaine, une cow-girl, un redneck et un « chef de la drogue » (je perds mes mots quand je suis fatiguée.)
Ça se déplace, un groupe à l’intérieur, un sur l’allée de boules. Je tombe de ma chaise avec un cri ridicule parce que celle-ci a basculé en arrière et alors que je savais très bien que ça arriverait. Je finis par rejoindre les joueurs de cartes, au chaud.
Le mousseux et la bière recommencent à couler. On se raconte un peu plus intimement. La raclette est super bonne (en même temps, on avait confié les achats à des professionnels.) On renonce à faire un loup-garou, on est tous plus ou moins crevés. La moitié d’entre nous finit par aller se coucher. Lors d’une discussion, Gwen m’énerve et je finis par lui dire qu’il n’a qu’à aller élever des chèvres. Trois minutes après, je me sens obligée d’aller lui faire un bisou en lui chuchotant « tu sais que je t’aime quand même » et j’aime trop son sourire à ce moment-là.
Je m’endors vite, ce soir-là. Au réveil je suis un peu perplexe d’être à peu près en forme : c’est parce qu’on a changé d’heure ! Méga ptit-déj’-déjeuner, on ne vient pas à bout des restes. Y’a plein de ménage à faire, mais à dix c’est plutôt efficace. On se fout de la gueule de Franck qui stresse à propos de son chèque de caution alors que la proprio ne l’a même pas demandé.
Une dernière photo, tous ensemble, avec l’appareil en mode retardateur, et puis c’est fini, on s’embrasse (la barbe de Gwen me pique) et chacun remonte dans sa voiture, mais pas sans se dire « À dans un an, alors ! »
C’est ce genre d’amis que je rêvais d’avoir, quand j’étais lycéenne. Bien sûr il y a l’apaisement dû à l’âge (quoiqu’avec Régina et Gwen, les plus « anciens » en ce qui me concerne, on en a traversés, des orages !) Mais tout est simple, avec eux. Plus que simple, évident. C’est fait de petites attentions portées les uns aux autres, de respect et de légèreté. Et c’est merveilleux. Alors je voulais écrire ce billet, forcément lacunaire et auquel il manque la chaleur des voix, le secret des conversations, la complicité des private-joke et tant d’autres choses qui font un moment partagé, pour m’en souvenir toujours, et pour les remercier.
1 commentaire
Merci d’avoir partagé la sérénité de ton clan. C’est tout doux, c’est tout simple, c’est tout évident et ça apporte des amarres solides :)