Éclats [Miscellanées d’Octobre]
Octobre, décidément, ne ressemble que très peu à lui-même. Très souriant, il a vite séché la pluie sur son visage et darde sur nous un soleil à peine pâli. À croire que Novembre sera en retard, cette année.
La première semaine est vite passée. La suivante, un peu moins. Celle qui a précédé les vacances a semblé interminable. Évidemment, j’ai chopé la crève et alors que je me croyais convalescente, le cross sous la tempête m’a mise ko.
Le jeudi et le vendredi, je covoiture avec une collègue. Je n’aurais pas pu mieux tomber : elle fait partie des trois seuls fumeurs/vapoteurs de l’établissement (dont je constitue un autre tiers, donc), regarde des films d’horreur et des thrillers et n’a pas d’enfants. C’est la première fois que je fréquente assidûment une femme qui mène une vie semblable à la mienne, et c’est réconfortant.
Octobre a été un mois agréable et fatigant. Ces vacances, propices à l’introspection, ont commencé à me révéler quelques failles non colmatées au-dessus desquelles j’ai bien trop joué les funambules, sans y penser.
Une fois encore, sous des dehors assez simples, Philip Pullman aborde des sujets complexes et dramatiques. Lyra, bien qu’elle s’en défende, est cassée. Et le monde autour d’elle prend une tournure des plus inquiétantes, qui n’a pas été sans me rappeler la situation géopolitique actuelle : prises de pouvoir d’un mouvement qu’on pourrait qualifier de fanatique s’il n’était aussi conscient de lui-même, organisé et manipulateur, migrations de masse, guerre… Cela m’a fait froid dans le dos. Mais c’est aussi une ode à la spiritualité. Le voyage de Lyra, dirais-je assez niaisement, est en grande partie un voyage intérieur. Et comme d’habitude, Pullman m’a fait rêver, avec ses roses qui permettent de voir la Poussière, ses déserts qu’on ne peut franchir qu’au prix d’un immense sacrifice et ce mystérieux Hôtel Bleu…
Concernant Le voyage des âmes cabossées, je suis partagée parce que, si j’ai trouvé l’écriture incroyable – vive, poétique et gouailleuse – et l’univers, riche et sombre (quoiqu’un brin fantasque), j’ai aussi très souvent haï les personnages.
Le fameux Navire, il ne pouvait que me plaire, version cauchemardesque du Hollandais Volant vu par Disney. L’histoire emmène nos lurons sur des rivages étranges, où ils poursuivent un homme qui tient plus de la métaphore que du protagoniste. Mais ils sont si… beaufs ! Je me suis demandé comment on pouvait, en 2021, publier un roman dans lequel les mecs passent leur temps à tripoter des filles rarement très consentantes, sans aucune mise en perspective. Alors, certes, ils se prennent des râteaux, mais ça ne les empêche pas d’essayer…
Bien sûr, les personnages d’une histoire n’ont pas à être sympathiques. Ce qui m’embête, c’est que Raphaël Bardas leur porte une tendresse manifeste.
J’aime trop les mots pour ne pas avoir été tout à fait conquise par la plume de Bardas. Son roman est magnifique. De ce point de vue, je ne peux qu’en conseiller la lecture. En revanche, tu l’auras compris, ces grands échalas cradingues et obsédés ne m’ont pas inspiré grand-chose, si ce n’est de l’agacement. Passe, à la limite, « La Morue » : il est tellement bête qu’il en devient relativement touchant.
Quant à Nous avons toujours vécu au château… Je l’ai achevé quelques heures avant de me lancer dans la rédaction de ce billet et, à l’instar de ces quelques œuvres qui se fraient un chemin en nous pour s’y déployer, il m’est difficile d’en parler. Comme le dit ma sœur, c’est un roman « étrange et fabuleux. » L’écriture est d’une finesse, d’une subtilité et d’une précision ahurissantes, et transforme une suite d’événements d’apparence banale en quelque chose d’insidieux et terrifiant. Il y a très peu de gens, même parmi mes écrivains préférés, dont je puisse dire que leur œuvre est magistrale. Pour Shirley Jackson, c’est incontestable.
Je garde très peu de souvenirs de I came by, au final, mais le film a bien fait son job le soir où je l’ai regardé, et la scène d’introduction m’a beaucoup marquée par sa réalisation nerveuse mais précise, et sa photographie. Le sujet comme son traitement étaient originaux. Si je m’en souviens peu, c’est parce que le scénario était assez tiré par les cheveux. En revanche, je me rappelle que les personnages étaient bien écrits et plutôt attachants.
« Je n’étais allé qu’une seule fois sur la tombe de ma mère, parce que si j’y étais allé plus souvent, j’aurais compris qu’elle était partie pour toujours. »
Craig, in M. Harrigan’s phone
Le film est très long à démarrer, ce que j’ai adoré car cela permet d’installer la relation entre Craig et M. Harrigan.
La seule chose que je n’ai pas aimée, c’est la « prédiction » de M. Harrigan concernant l’usage du smartphone, très « Stephen King pose un regard déjà dépassé sur son époque tout en se voulant prophétique. » Ah et j’ajouterai les quelques gosses détenteurs d’un téléphone greffé à la paume de leur main, ce que je trouve amplement exagéré et qui, du coup, ternit le propos. Ah oui et puis merci la pub Iphone.
J’ai beaucoup aimé comment Craig cherche des réponses auprès des adultes en qui il a confiance, tout en étant un jeune homme indépendant et relativement étrange. La manière dont il exprime sa prise de conscience, « je croyais être le seul à savoir ce qu’était la souffrance, je n’avais pas réalisé que même les connards avaient une famille. » Je trouve les personnages de ce film très nuancés, très touchants, chacun à leur manière.
J’ai adoré Choose or die. Je m’attendais à un mauvais film pour ado, et je me suis retrouvée devant un truc extrêmement glauque, ancré dans une réalité aussi cauchemardesque que réaliste, dont les personnages principaux m’ont beaucoup plu. Et la BO est super.
The Mist ♥♥♥♥
Nan mais what the fucking fuck ?!
D’où je me dis je vais regarder une adaptation de King, ça va être sympa, probablement un peu mal fait, mais avec des perso bien écrits et puis voilà ?
Nan mais The Mist c’est horrible !!! Je suis en PLS là.
Début super intense, middle trop long avec la folle de Dieu que putain mais butez-la, et bestioles pas super réussies (sauf la dernière)… Et puis la fin, quoi. La fin. Avec du Dead Can Dance et tout. Jamais King il m’a fait ça. J’aurais dû me renseigner avant, et voir que Darabont avait déjà réalisé La ligne Verte et scénarisé le 3e Freddy…
Ici, une chronique passionnante qui m’a fait encore plus aimer le film.
Je suis persuadée par ailleurs que Stranger Things n’existerait pas sans The Mist. Tu peux pas regarder les créatures de ce film sans voir celles de la série – ou l’inverse hein, si tu as fait les choses dans l’ordre.
Enfin, je n’ai pas tout à fait fini Dahmer, mais la série m’a beaucoup impressionnée. Chaque épisode s’insinue un peu plus dans la vie des victimes, t’interdisant d’assouvir les pulsions voyeuristes qui t’ont conduit vers ce genre de programme. C’est pas du cinéma. Ce sont des gens.
(« C’était pas une cargaison, Hayder. C’étaient des gens. »* Parfois, c’est le vocabulaire qui fait toute la différence, et à la télé, le vocabulaire, c’est ce que tu choisis de montrer.)
Par ailleurs, l’épisode 6 m’a plongée dans une putain d’angoisse. C’est un pari un peu fou de tourner un épisode partiellement silencieux, et nom de dieu comme c’était anxiogène.
Cet épisode, il est d’une violence… Et je ne parle pas de scènes gores, juste de ce qui est dit, ou non.
J’ai aussi vu le début de 10 Cloverfield Lane (Tes faux cils sont beaucoup trop longs pour que je te prenne au sérieux. Et je ne crois pas une seconde à tes réflexes hystériques deux secondes après t’être réveillée.
Ben faudrait peut-être observer les allers-venues de ton geôlier, avant de rester bêtement debout pendant des heures avec ta patte en vrac et ton arme improvisée…) et Gothika. À peu près tout dans ce film était grotesque.
Le 2, Maloriel et moi nous sommes baladées en forêt d’Avaugour, où je n’ai pris que des photos moches ou floues. Les siennes en revanche sont superbes, ET nous avons réussi à suivre le sentier de randonnée d’un bout à l’autre (sans nous perdre, je veux dire.) Je n’étais pas très en forme, ça m’a fait un bien fou.
Là, j’ai installé une application de suivi d’habitudes (Tickit) et j’ai payé l’abonnement, ce qui me donne accès à des « voyages », c’est-à-dire des sortes de parcours thématiques avec à chaque jour un ou plusieurs objectifs. Et si je te raconte ça, c’est parce que j’ai entamé le voyage « marcher tous les jours ». Je m’y conforme assidûment depuis trois jours parce que, si tu rates un jour, tu dois tout recommencer depuis le début, ce qui est une excellente motivation en soi :)
C’est comme ça que, le deuxième jour, j’ai enfin exploré le chemin qui débute à l’entrée de Pabu et dont je soupçonnais qu’il me ramènerait à la maison en passant par le Trieux – j’avais raison. Du coup, j’ai marché une heure au lieu du quart d’heure demandé par l’appli, et c’était super. Hier, je me suis contentée des quinze minutes réglementaires en suivant le petit bout de route qui part de chez moi pour prendre la direction de Pommerit-Le-Vicomte. Aujourd’hui… Je ne sais pas encore où je vais aller, mais j’ai hâte !
Je n’avais plus écouté de musique en marchant depuis… Québec ? J’ai pris l’habitude, surtout quand je vais en forêt, de me concentrer sur les sons qui m’environnent. Mais là, ma playlist automnale dans les oreilles, j’ai eu l’impression de renouer avec moi-même, comme si je reprenais le film de ma vie. J’ai réalisé que j’avais partiellement cessé de me narrer, et que cela me manquait. « Les choses n’ont d’autre sens que celui qu’on leur donne », me dit souvent Eliness, et ça m’a fait beaucoup de bien d’en recréer, du sens, et de retrouver cette part de moi à qui le monde adresse des signes.
J’ai aussi recommencé à méditer ; cela faisait bien trop longtemps si j’en crois le bien-être qui m’a envahie dès la première fois. J’ai retrouvé sans trop de peine le chemin de ma plage, ce rivage intérieur qui m’apaise tant et sur lequel je veux me tenir plus souvent : c’est seulement là que je me sens fermement connectée au monde, et que je retrouve un semblant de spiritualité.
Faute d’ancres assez solides pour m’arrimer dans le chaos des jours, je redéploie mes balises ; je les lance en aval pour m’assurer de toujours trouver quelque chose de familier et de réconfortant, quel que soit le paysage.
* Remarque d’Isabella dans le jeu Dragon Age 2.
5 commentaires
Je te félicite pour la méditation, je n’ai pas encore réussi à franchir le pas du « je veux le faire » à « je le fais », j’ai essayé (plus ou moins) et je n’ai pas vraiment réussi (manque de concentration, envie de dormir, je ne sais pas…)
Je retiens le titre Nous avons toujours vécu au château qui m’intrigue Quant à Dahmer, je compte bien regarder aussi Mais là, je finis Les papillons noirs qui est bien glauque dans son genre aussi (preuve j’aime mais j’ai du mal à terminer)
Très chouette ces balades en forêt 🧡
Merci, Zofia !
Pour ma part, la pratique de la méditation ne m’a jamais posé de problème en soi, même quand ça ne fonctionne pas (parce que je me déconcentre, que mes pensées papillonnent), ça me fait du bien. C’est l’instant d’immobilité que je recherche, et le souffle.
J’ai ajouté Les papillons noirs à ma liste, tu m’as intriguée ! Quant à Nous avons toujours vécu au château, je te le recommande chaudement, surtout à une admiratrice de Haruki Murakami :)
Très jolies les photos de tes balades ! (et d’ailleurs si jamais tu veux m’en emprunter pour tes billets blog tu peux, ça me suffit si tu notes que ce sont les miennes ;)
Marcher c’est vraiment une petite habitude qui paie pas de mine mais qui change la vie, je suis convertie aussi ;)
Merci, c’est sympa !! À vrai dire, j’ai déjà utilisé de tes photos, mais j’ai évidemment toujours dit qu’elles étaient les tiennes :)
[…] quelques fins du monde, Octobre je tente de parler d’Enya, et trouve la bobine abandonnée de mon propre film, En novembre je dessine mes rêves et Eliness cite les […]