Lueurs [Miscellanées de Septembre]
Bric-à-brac.
J’ai écrit un billet dans lequel j’exprimais mon envie de cocooning, parce que Septembre s’est avéré contrasté. Ensuite, j’ai décrit les aléas tant météorologiques que circonstanciels qui m’avaient amenée à cette conclusion : températures et degré d’hygrométrie tropicaux au début du mois, rencontres avec mes élèves et travaux sur la RN12, pour résumer. Et puis j’ai tout effacé, parce que mon texte reflétait bien plus mes doutes que la sérénité que je recherchais et avais envie de partager.
Bon, « j’ai tout effacé », on sait tous que c’est un mensonge, mais toujours est-il que je voudrais repartir de zéro. Il m’arrive souvent d’éprouver une sorte de nécessité à révéler mes orages, mais il me semble que cette fois je devrais les garder pour moi. Ils ne sonnent pas « justes. » Peut-être parce que je ne suis pas parvenue à traduire ni leur intensité, ni la paix qui m’a habitée en même temps. Peut-être aussi parce qu’il s’est passé beaucoup de choses en un mois, qu’elles m’ont conduite ici ou là, et que Septembre se refermera d’une manière très différente de celle dont il avait commencé.
« Si le film n’est pas exempt de défauts, et mise davantage sur ses indéniables qualités esthétiques que sur son scénario, qui laissera certainement quelques spectateurs sur le carreau, il s’agit néanmoins d’un joli coup d’essai pour un premier film, qui place A.T. White dans la liste des réalisateurs à suivre. »
Marie, Panic! Cinéma, citée par Shadowz.
Le 2 septembre, j’ai fait ma pré-rentrée, puis suis retournée me lover dans mon fauteuil de bureau, devant ce film dont l’affiche avait suffi à me le faire ajouter à ma liste de lecture quelques mois auparavant. Force m’est de constater que je n’y ai pas compris grand-chose (Panic Cinéma semble aller dans le même sens, mais puisque je n’ai rien compris non plus à celui dont je parlerai ensuite, je suis obligée d’admettre que j’ai peut-être quelques soucis.)
J’ai beaucoup aimé, le temps que ça a duré, c’était lent, avec une espèce de poésie apocalyptique, et c’est une évidence ce que je dis, mais il y avait quelque chose de très doux et absurde, qui me parle beaucoup. Starfish parle de deuil et de fin du monde, le tout dans une atmosphère feutrée que n’égratignent pas les interventions d’un mystérieux collectif détenteur de débuts de réponses à des questions qui importent peu, finalement. Les pièces se mettent en place au fil des cassettes audio collectées par l’héroïne, et même si j’ai la sensation qu’il m’en manquait quelques unes, j’ai envie de me souvenir et sans doute de revoir ce film si mélancolique et serein à la fois.
Le lendemain, j’ai vu Tower. A bright day, toujours sur Shadowz. J’ai écrit : « Mais vas-y j’en ai marre !! Je suis devenue débile ou quoi ? J’ai rien compris à la fin du film. Est-ce que tous les critiques qui l’ont encensés sont super intelligents ou est-ce qu’ils font semblant ?? Ça me saoule !! » Tu constates que j’étais la patience et la modération incarnées, début septembre :) La suite : « Alors oui, c’était génial, les relations familiales sont abordées de manière hyper subtile, le design sonore est chouette, la photographie superbe, et le malaise perceptible. J’ai franchement beaucoup aimé, sauf à six minutes de la fin, moment où j’ai compris que je ne comprendrai jamais. » Je te recommande A bright day, c’est un très beau film, lent et un peu triste, lui aussi. Les personnages m’ont beaucoup touchée, surtout l’héroïne, pas la femme un peu cramée dont on ne sait de quel traumatisme elle renaît ni d’où elle tire sa « sagesse », mais sa sœur, oui, je l’ai trouvée belle dans ses failles qu’elle peine à dissimuler, et dans les reflets où elle se dessine.
9 septembre
Ferme les yeux, zappe le jury, et ose me dire que c’est pas exactement comme ça qu’il fallait chanter ce texte.
Après ça, j’ai écouté Push en live, mais j’ai tout à fait conscience que c’est nul – d’ailleurs, c’était même pas aussi bien que sur CD. Puis j’ai passé la soirée entière à écouter de la musique classique, ayant subitement développé une obsession pour un disque de mes parents, Les Ouvertures de prestige, que j’ai acheté dans la foulée, et sur lequel on trouve entre autres ceci.
Toi aussi tu trouves qu’on dirait une musique de cartoon ? Moi je m’imagine très bien courir partout les bras en l’air (souviens-toi) quand j’écoute ça.
Le 14, j’ai lu Le passage de la Nuit, le second Haruki Murakami que m’avait prêté Maloriel, mais avant de t’en parler je suis obligée de céder à l’impulsion de cette nuit et de cette chanson-fantôme qui affleure, passe par-dessus les murs de ma mémoire et m’envahit.
Le passage de la nuit, donc. Il me semble que quand elle m’en a parlé, Mal’ a évoqué David Lynch. En tout cas j’y ai pensé, à Mulholland Drive en tout cas. Le roman te trimballe de la littérature au cinéma dans sa narration-même, il te fait assister caméra au poing à des scènes oniriques dont tu ne sais pas quoi penser, qui se dissolvent dans cette unique nuit où des vies ne basculent pas tant que ça, mais se mêlent et s’influencent. Cette lecture m’a beaucoup marquée, pas de la même façon que Les amants du Spoutnik, mais peut-être encore plus, parce que les personnages y étaient moins éthérés, moins rêvés – sauf Eri.
La veille, je crois, j’ai lu De l’autre côté du brouillard. Je me demande bien comment Maloriel a réussi à remettre la main sur ce joli album jeunesse signé Michèle Kahn, car il est difficile à trouver ! Certaines situations, surtout vers la fin, m’ont semblé aléatoires, mais j’ai autant aimé le début que la conclusion, parce qu’ils étaient porteurs d’un message qui a fait grandir la petite fille en moi, et que j’aurais aimé partager.
Le 16 septembre, mue par un genre de masochisme qui s’avérera la seule ombre majeure à ce tableau, j’ai eu l’idée saugrenue de regarder un film intitulé La vie scolaire, sur Netflix. Comme je m’y attendais, avec toute la prétention dont je suis capable quand il s’agit de films français estampillés « les manquements de l’Éducation Nationale et le boulot formidable des gens hors-système », j’ai frémi d’horreur pendant une heure et demie. Morceaux choisis :
« Donc, leur classe « à problèmes », c’est les « sans options. » Alors, bienvenue dans tous les établissements bien blancs, bien cathos et bien richards que j’ai fréquentés, dans lesquels on a des tonnes d’élèves « sans option. » Je dis ça, je dis rien hein. On n’est sans doute pas du tout dans la lignée de tous nos films français plein de bons sentiments envers les rebeus qui ne font pas latin mais en ont sous la pédale, n’en déplaise aux bourges… Sans doute pas…
EEEEET vas-y la vanne sur les Segpa, c’est bon, on a tout là, arrêtez, on a saisi le décor.
EEEEET vas-y la blague sur les punitions qui servent à rien, parce que c’est notre kif à nous les gens qui bossons dans l’ED, on est arrivés là parce qu’on est des psychopathes ratés et donc aigris, on se rattrape sur les gosses, c’est trop marrant.
alleeez, la tristesse des banlieues, papa est en prison, la vie est dure, et gnagnagna… Sûre que Grand Corps Malade il sait de quoi il parle, lui, le fils d’un « haut fonctionnaire territorial » et d’une bibliothécaire (source Wiki). Putain, tu sais très bien que d’après moi on n’est pas responsable de qui on est et que ça n’empêche pas d’être un mec bien, mais arrête de me faire pleurer avec ta pseudo-empathie pour tes camarades de classe. Wesh. (nan mais sans déc’, qu’est-ce que tu veux que je te dise ?)
Je suis par ailleurs obligée d’admettre que j’ai trouvé les parents d’élèves super bien vus.
Le grand absent de ce film, c’est le prof d’Histoire-Géo, au tapis, foutu, et absolument tout le monde s’en fout. Eh bien, allez vous faire foutre, chers scénaristes. Apparemment, Yanis a raison, on s’en fout, de la douleur des profs. Ne comptent que les CPE à moitié algériennes qui conquièrent le cœur de leurs élèves parce que les personnels blancs, eux, sont des connards (et oublions donc la participation de ce grand escogriffe blanc qu’est Grand Corps Malade à ce film plein de sentiments fielleux.)
Fin du film : le héros finit en Segpa. Ahaha, on a enfin la conclusion de cette super blague : ben oui, tu savais pas, on fout en Segpa tous les gens qui ne rentrent pas dans le système. Un avant-goût de l’enfer. Rappelle-toi : on aime tellement faire souffrir, c’est dans notre ADN. »
Voilà. Désolée, c’était long, mais à la hauteur de mon indignation. Après, je me suis remise à la lecture, et j’ai fini coup sur coup L’homme peuplé de Franck Bouysse et le dernier épisode de Blackwater. L’homme peuplé raconte un écrivain qui achète une vieille bâtisse, dans le centre de la France je crois, dans l’espoir que du dénuement naîtra l’audace. Le récit entrecroise son point de vue et celui de ses voisins, un en particulier, shaman misanthrope obsédé par la figure maternelle, et ce qui aurait pu s’avérer très cliché m’a, personnellement, beaucoup plu. C’étaient le titre et la couverture qui m’avaient « appelée », malgré une réticence liée à « la rentrée littéraire », et j’y ai vécu exactement ce dont j’avais envie : contemplation et humanisme. Bon, Eliness, à mon avis c’est pas la peine que tu te lances. Je suis presque sûre que ça te fera le même effet que L’arbre-monde.
Quant à Blackwater, la série aura tenu ses promesses, se révélant addictive d’un bout à l’autre alors même qu’elle ne raconte presque rien. Les personnages ne sont pas développés, le contexte à peine plus, et pourtant Michael McDowell nous mène par le bout du nez. Dans une citation de lui à la fin d’un des bouquins, ou peut-être tous, je ne sais plus, il dit adorer faire de la littérature commerciale, et essayer d’être le meilleur artisan possible. Ça m’a beaucoup touchée, et de mon point de vue, il écrit bien. Il est en ce sens le digne héritier des meilleurs feuilletonnistes, et par extension des meilleurs scénaristes actuels.
Le 24 septembre, j’ai enfin achevé ma relecture du Miroir d’Ambre de Philip Pullman, encore plus adulte et tragique que ce dont je me souvenais. Je suis vraiment contente d’avoir relu cette trilogie dont j’avais presque tout oublié, et qui pourtant, je m’en rends compte maintenant, m’habite encore et a nourri quelques uns de mes topoï oniriques.
J’ai aussi découvert que Deine Lakaien avait sorti, en 2021, une double album chansons originales / reprises les ayant inspirées, et je trouve le concept génial – en plus de me rouler par terre devant le choix desdites reprises, même si j’en connaissais une ou deux. De toute façon, Alexander Veljanov peut chanter n’importe quoi, c’est mon joueur de flûte de Hamelin.
Toujours ce 24, j’ai revu Les mauvais esprits, je ne m’en souvenais pas vraiment. Le film possède (au moins) une qualité, c’est de prendre à contre-pied les histoires de fantômes, mais je continue de le trouver peu cohérent. Enfin le 30, j’ai vu La Jeffe (Sous sa coupe en français), un thriller espagnol qui m’a bien plu mais s’est avéré plus crispant que je l’avais espéré. Les deux personnages féminins, assez peu prévisibles, m’ont intriguée.
Et nous voilà déjà le 3 octobre… J’ai pudiquement camouflé mon mois de septembre dans les coulisses d’un petit musée automnal dont je suis, si ce n’est ravie, du moins vaguement satisfaite. Aux coins, au-dessus des embrasures de portes ou au loin derrière les fenêtres, j’aimerais ajouter…
« la route de la côte » pour arriver à Pléneuf ♥ Le cours de l’Histoire ce matin ♥ mes élèves, surtout les 5e trop choupinous mais aussi… les autres, en fait ♥ le premier chocolat chaud de l’automne, un samedi matin ♥ ma tutrice ♥ la pluie, enfin ♥ la ligne B du métro rennais ♥ les plats mijotés d’Ubik ♥ les plaids ♥ les livres ♥ la musique de Skyrim ♥ mes amis ♥ le lit douillet ♥ le train ♥ cette saleté de chat ♥ mes collègues ♥
2 commentaires
Un mois chargé en somme. Tu as lu mes deux Murakami préférés 🧡 tu as par contre descendu un film et un artiste que j’aime bien mais c’est pas grave, j’avais trouvé que ça donnait un regard positif sur un milieu scolaire et géographique souvent très noir… Quant à Blackwater, je n’en suis toujours qu’au tome, la faute a des lectures qui sont largement venues s’intercaler au milieu ^^
Coucou !
Désolée, c’est vrai que je n’ai pris aucune pincette avec La vie scolaire. Le truc c’est que ça m’a fait l’effet inverse de toi, j’ai trouvé que le film jetait un regard très noir (et injuste) sur ce milieu en faisant de ses protagonistes (à l’exception des élèves) de gros connards. Et même les élèves, d’ailleurs : que fout Yanis en segpa, enfin ? Même le héros est puni, à la fin, et sans raison, en plus (l’exclusion, si elle avait été prononcée, l’aurait sans doute fait plonger. Mais le mettre en Segpa vu son profil, pour moi c’est encore pire.)
Et j’aime beaucoup Grand Corps Malade, à la base :)