Florilège #6 : Maïa et Vulcain
C’est un peu l’union du Mordor et des Elfes, cette histoire.
Encore ce réflexe d’entamer ces Miscellanées par un genre d’excuse : ce sera court, pardon, j’ai été vide et conne ce mois-ci. J’ai pourtant changé de titre, une fois de plus, précisément pour m’éviter ce dilemme du « j’aimerais partager / je n’en ai pas fait assez ».
Je me souviens même, en l’écrivant (il me faut donc systématiquement écrire pour activer la mémoire !) que florilège c’était pour moi un synonyme d’album photo, anthologie, bref des miscellanées peut-être vaguement plus travaillées – dans l’idée, miscellanées désignant un recueil d’écrits variés et florilège un recueil de textes choisis. Paye ta différence !
Version courte pour moi-même vu que toi tu viens de me lire et que t’as déjà compris : ce n’est pas parce que je n’ai vu aucun film ce mois-ci que je n’ai pas vécu. D’ailleurs si ça avait été le cas, ma génération, et je ne parle même pas des précédentes, aurait dû s’enterrer profondément, parce qu’avant Netflix on était pour le moins limités, et parfois je l’oublie. J’oublie que vivre ce n’est pas (que) s’évader dans les œuvres des autres. Mazette.
2 mai
Le nouvel album de Platon Karataev est méga triste.
Moya se prend d’affection pour un sac en toile de jute, qui devient Grand Griffoir de Cérémonie.
Le soir, j’écoute Summoning the lost Energy par Lustre & The Burning. Je connaissais déjà Lustre. L’album est planant, triste, pas à la hauteur, pour moi, d’un Summoning dont la présence dans le titre n’est peut-être qu’un hasard, assumé toutefois j’en suis sûre. Ça reste complètement ma came, mais de celle que j’écoute une fois par an parce que ça me draine un peu trop (pour comparer, Amenra ou Violet Cold, c’est une fois tous les deux ou trois ans, et encore, c’est parce qu’on m’en reparle. Échelle de Richter personnelle du black/doom/atmo.)
Le 6 mai, je clignote entre deux mondes en écoutant Nuraddin Taghiyev, chez Ambre.
7 mai
Je demande aux cinquièmes de transposer Lancelot dans le monde d’aujourd’hui, et d’imaginer quelle épreuve, équivalente à la charrette d’infamie, il pourrait vivre aujourd’hui.
L’après-midi, je me remets à mes copies de bac blanc. Enfin, j’essaie.
11 mai
J’écris une lettre à Ambre. Au milieu, je filme la pluie et c’est sans doute con de le partager parce que ça ne rend pas du tout pareil qu’en vrai, d’autant qu’il y a eu de l’orage, mais que ça je l’ai juste savouré.
Ça me fait toutefois penser à WindowSwap. Entre l’intime et le générique, le site te fait faire le tour du monde, et je trouve ça absolument magique. C’est presque un fantasme réalisé, et inversé en même temps, voir à travers les fenêtres des autres.
12 mai
J’aime beaucoup Savages, découvert chez Eliness. Le morceau qu’elle a partagé ne laissait pas du tout présager du punk-goth façon Siouxsie, mais je suis contente d’apprécier justement parce que je n’ai jamais vraiment aimé Siouxsie alors que j’aurais voulu.
13 mai
Bon, nouveau VNV. Évidemment, The Spaces Between fonctionne super bien sur moi, j’ai un coup dans le nez, et j’ai fini ma journée sur une note mélancolico-heureuse. Trop facile.
Mon père a soixante-quinze ans. Ça paraît beaucoup, soixante-quinze, ça sonne comme quelque chose de grand, et en même temps ça me semble beaucoup, beaucoup trop court.
14 mai
Je finis le dernier Thilliez, À retardement, que j’ai beaucoup aimé. Totalement capillotracté, j’imagine, mais le sujet qu’il aborde me passionne.
J’écoute sur Spotify DakhaBrakha – Light, parce que je n’aime pas le son sur la vidéo YT que partage Ambre. C’est étrange, et ça me fait sans aucune raison penser à La peau de chagrin, que les élèves d’Anne ont présenté à l’oral blanc. Enfin, une raison, si : c’est cuivré, comme ce bouquin. Et c’est beau, comme un rêve de fin du monde. Au deuxième morceau le rêve se brise déjà, le chanteur se met à crier, les chœurs s’envolent lyriques hachés, c’est brutal, magnifique, et le calme revient comme un silence. Par contre, Zhaba puis Tjolky me perdent, je les trouve bruyantes et urbaines, je n’aime pas les ambiances citadines quand elles ne sont pas électroniques, c’est froid – même si ici les chœurs ne le sont pas, ils brûlent, je crois, étayés par la basse qui gronde comme un moteur.
Je retourne à VNV et à The Spaces beteween. Je suis mélancolique, encore. Ou j’ai envie de l’être.
15 mai
Je découvre que le 13, Mylène Farmer a sorti un single… et qu’il y a de l’autotune dessus. Je suis dévastée. Le texte est plutôt joli, sinon.
Alors j’écoute le live Nevermore, et je textote toutes mes impressions au fur et à mesure à Ambre, parce que… Parce que putain j’aimerai toujours Mylène Farmer, tellement que j’espère mourir en chantant « c’est une belle journée », et parce que si Ambre comprend ça alors nécessairement c’est qu’elle me comprend, donc je l’aime, parce que tu sais « je fonce dans les gens en espérant que paf ça fasse des étincelles. »
Tristana, putain. Tristana c’est téléportation instantanée dans les montagnes auvergnates, j’ai douze ans max, et la mélodie, et le texte me transpercent.
C’est comme À quoi je sers, un truc fiché dans mes entrailles, et une question pas du tout rhétorique : sans ces chansons-là, vraiment, je sais pas du tout si je serais encore là.
« mais qui est l’autre / ton visage est familier / mais qui est l’autre / en toi ma vie s’est réfugiée (…) Toi et moi du bout des doigts, nous tisserons un autre, un autre moi, une autre voix, sans que l’un chasse l’autre. »
Lu le lendemain : « Si on veut aller plus loin, on peut aussi voir dans les effets de voix utilisés par Mylène Farmer sur cette chanson [Confession], un autre clin d’œil à Twin Peaks. Dans la Red Room, les différents personnages ont eux aussi une voix légèrement modifiée : en réalité, les acteurs ont appris et déclamé leur texte à l’envers, avant qu’un effet numérique ne soit utilisé pour inverser et repasser les voix « à l’endroit », donnant ainsi un aspect étrange à l’ensemble. » Ah bon. D’accord.
(Je n’ai jamais vu Twin Peaks en entier mais j’ai regardé le début dans le garage d’un homme que j’ai aimé, pas comme il fallait mais tout de même, et le fait qu’il y ait une Red Room là aussi me plonge dans des abîmes de réflexion sur les symboles et leurs échos.)
16-18 mai
Les copains, un bateau, les sept îles, un barbeuc, un karaoké… Tellement heureuse de revoir Fred, d’avoir pris le soleil et partagé ces moments-là avec ces personnes-là. Mu m’a envoyé ses photos et j’aimerais les partager, dans un billet dédié (moi je n’en ai pris aucune, convaincue que ceux qui m’accompagnaient le feraient bien mieux que moi.)
Le lendemain, on s’appelle avec Eli.
20 mai
Rêve.
Au fond de l’appart’ il y a une porte, dont j’explique qu’elle donne sur une maison, peut-être qu’elle appartenait à ma grand-mère dans ce rêve-là aussi. En tout cas je sais à quoi elle ressemble, parce que j’en ai déjà rêvé, de cette maison. Elle est gigantesque. Je propose d’aller visiter, et là, alors que nous franchissons le couloir qui mène à la porte (et qui n’était pas là avant, je crois), la porte s’ouvre. Muriel flippe. Il y a des gens, derrière, un couple, et en fait ce n’est pas la maison mais un appartement, absurde, dont les concepteurs auraient pris le terme plafond cathédrale au premier degré, et qui n’est constitué que d’une seule pièce, façon loft. Pas de fenêtre ici non plus, évidemment (il n’y a JAMAIS de fenêtres dans les édifices que je visite en rêve.)
Après, je ne sais plus trop. Je me souviens qu’il y a quelque chose de bizarre chez la femme, et des décorations à la mesure de ce plafond culminant à peut-être dix ou quinze mètres de haut. Des marionnettes, des mobiles, tous comme créés par les Machines de Nantes, immenses et étranges.
Je ne sais plus du tout ce qui se passe après. Il y a des enfants, on m’envoie faire une course (vague impression de trottoir couvert et d’étals style brocante.) Je crois qu’il faut fuir la femme. L’ambiance est inquiétante. Mathias me dit que je me suis agitée toute la nuit.
En lisant le blog d’Ambre, je me rends compte que j’ai dû rêver de Mylène Farmer, aussi, ça me frappe, impression tenace, mais dénuée de tout souvenir qui pourrait l’étayer.
Arrive une lettre d’Ambre justement, à laquelle je dois répondre, je suis tellement heureuse de recevoir une lettre, malgré la distance temporelle et physique, je me sens connectée à celle qui l’a écrite, je l’imagine dans la flaque de soleil. Pourquoi ai-je tant tardé à envoyer la mienne ? Je croyais n’avoir, pas le temps ce serait un mensonge, pas l’énergie ce serait plus vrai, alors que c’est tellement doux. C’est un rituel de plus à ajouter au chapelet, et nos vies travaillées ne sont pas faites pour ça, mais je vais le prendre, ce temps. Je sais déjà que je peux m’organiser différemment, qu’il y a tant de moments « vides » dans mes journées.
21 mai
22 mai
Je compile des moments doux dingues à venir : deux émissions de Culture, l’une où j’entendrai des gens qui faisaient partie des putains de deux millions de Français à avoir accompagné Victor Hugo au Panthéon (« Je refuse l’oraison de toutes les églises ; je demande une prière à toutes les âmes »), l’autre consacrée à deux femmes de soixante-douze ans qui se sont mariées à l’Ehpad quand la loi les y a enfin autorisées. J’en pleure d’avance.
Il fait si beau et je suis si fatiguée ou émotive, ou sereine d’ailleurs, que ça me donne aussi envie de pleurer. Juste parce que j’ai parlé à des gens chouettes toute la journée, que j’écoute Nachtblut, que le chat, que la lettre. Élèves compris, pour les gens chouettes. Je l’ai dit aux 5D, à la fin de l’heure :
« Vous m’écoutez trente secondes ? Je voulais vous dire que ç’avait été très agréable de travailler avec vous !
– Euh, c’est la fin de l’année ? demande Romain.
– Je vous dis bien quand ça ne va pas. C’est normal aussi de souligner quand c’est chouette, tu ne crois pas ? »
Il a acquiescé, je ne sais pas ce qu’il en a pensé. Il était surpris, j’ai l’impression.
Le soir tandis que j’écris, un merle fonce sur la baie vitrée et se la prend avec une telle violence qu’il convulse sur la terrasse, avant de rester sur le dos, les pattes en l’air. Je le vois respirer à toute vitesse, je ne supporte pas, pas plus que je ne sais que faire, alors je pars me chercher une bière. Quand je reviens, il est à nouveau debout. Parfaitement immobile, mais debout. Il bouge un peu la tête, parfois. Moya débarque en miaulant et je ferme toutes les fenêtres précipitamment. Pourvu que la commotion, qui doit être terrible, passe au merle. Moya l’a repéré, elle attend, assise sagement, mais les oreilles bien en avant. Le merle regarde le ciel.
Vingt minutes plus tard, il s’envole. On rouvre les fenêtres.
Il est 22h22, je devrais aller me coucher, mais je n’y vais pas et rouvre une bière. Je reviens à Nevermore.
Pas vide, ce mois de mai. Loin de là. Vibrant, lumineux.
23 mai
Stupéfaite, allais-je écrire, mais blasée est le terme exact, je publie un fil sur Bluesky.
Ma journée n’a pas démarré sous les meilleurs auspices. Fatiguée et de mauvaise humeur, j’ai eu la surprise de découvrir des élèves d’ordinaire agréables tout aussi fatigués et de mauvaise humeur. Adolescence oblige, ça les a rendus exécrables, et mon moi réac’ n’a pas pu s’empêcher de noter que « de mon temps, on n’aurait jamais osé parler sur ce ton à un prof. » Autant te dire que ça a fait des étincelles. Les deux heures en cinquième, juste après, ont toutefois été très chouettes, tout aussi what the fuck en un sens (j’ai parfois l’impression de vivre dans un film français sur l’Éducation Nationale dans le Neuf-Trois, avec tout ce que ça implique de conversations aussi absurdes que marrantes. Je me demande donc ce que vivent réellement les collègues là-bas.)
L’après-midi, je suis allée chez ma sœur. J’y ai beaucoup apprécié nos conversations – et le thé !!
26 mai
La semaine des copines – Ambre puis Eliness – a l’air infiniment difficile. Je ne réponds pas. Déjà parce que je ne peux pas, dans l’instant. Enfin, si, je peux, tu vois la nuance. Je peux mais je ne sais pas. Ensuite parce que (Eliness interdit les réponses sur ce genre de post) (j’ai son tel) (si c’est interdit c’est interdit). Pour ça, en fait, pour la dernière parenthèse. Je me suis mangé un peu trop de murs pour ne pas savoir que si je ne suis pas sollicitée directement c’est que je ne le suis pas du tout. La blessure égotique n’a aucune importance. Ce qui m’ennuie, c’est de ne sincèrement pas savoir si je devrais tout de même.
J’ai tenté quand même. Toujours un peu navrée de me demander si c’était à moi ou à elle que je lançais la bouée…
Aucun rapport : le débat sur la fin de vie et la légalisation de l’euthanasie me met très mal à l’aise. J’entends les arguments contre et ils sont solides. Toutefois, malgré la position antivalidiste de la pétition, qui se présente d’ailleurs comme signée par des personnes concernées, je ne peux m’empêcher d’y voir aussi une intervention dans la vie d’autrui. En mode « si tu étais correctement entouré par la société, tu ne voudrais pas mourir parce qu’on peut vivre handicapé. » Oui, c’est vrai pour la dernière partie, mais je me vois mal affirmer à une personne dont la souffrance m’est inimaginable ce qu’elle devrait faire ou penser, et lui dénier ce droit à une mort assistée qui, justement, n’apparaisse pas comme un suicide et donc un départ brutal et non prévu par les proches. Il y a quelques temps j’étais tombée sur un fil bluesky d’une personne qui préparait sa mort via un dispositif belge, j’ai cessé de suivre parce que ça me bouleversait bien trop, mais… Obliger quelqu’un qui n’en peut plus à vivre parce que ça nous donne bonne conscience, c’est épouvantable, non ? En vrai ce qui me dérange le plus, c’est que l’argument selon lequel légiférer c’est laisser proliférer, c’est exactement celui qu’ont utilisé les anti-IVG. L’avortement de confort, tu te souviens ?
27 mai
Reçu aujourd’hui les trois paires de chaussures qui m’ont value d’être (gentiment, si c’est possible) conspuée par trois collègues. À croire qu’ils s’habillent tous chez Chanel ou Le Slip Français. Étant depuis la fin de la semaine dernière dans un état de fatigue sociale tenace, j’en ai été ravie au-delà du raisonnable – de recevoir mes godasses, pas d’avoir été bouhouée. Je renforce mon armure. Je me sens grande et forte.
(ces derniers jours, j’ai essayé quand même de communiquer « à froid » sur Bluesky, pour m’entraîner)
(je conclus de l’expérience que ça me stresse et que ça me rétrécit. En plus j’arrive à peine à écrire trois lignes pour prendre des nouvelles de mes proches, donc essayer de résonner avec le monde ne devrait pas m’apparaître prioritaire.)
Comme il n’y a absolument aucune chance que je finisse la série d’Alfonso Cuarón sur AppleTV, Disclaimer, ni que je fasse quoi que ce soit qu’il me faille partager d’ici la fin mai (je pars chez mon père demain et ce sera sûrement très bien, mais pas pour en parler ici), je clôture.
Mai aura été introspectif et la musique m’aura entraînée au fond de moi. La musique, et ma frangine grâce à qui j’ai repris l’écriture « romanesque ». Peut-être que j’en reparlerai pour expliciter les guillemets. En attendant, rideau : c’est au fond de moi que je vis et rêve, en ce moment.
7 commentaires
En vrac :
. Aaaaah voilà qui explique le choix (j’espère que ça explique le choix) de l’autotune. Si elle se met à cette horreur, je vais avoir du mal à écouter la suite de sa carrière…
. Oh oui oui oui une lettre :D
. Les oiseaux dans la fenêtre, ça me fend le cœur à chaque fois… si jamais, LeChat a découpé des formes d’oiseaux (en V ) dans une vieille radiographie et on les a collés aux fenêtres (depuis, plus d’oiseaux pour s’y cogner, la forme inquiétante « un peu rapace » les redirige plus loin).
. L’euthanasie, vaste sujet compliqué en effet. Enfin personnellement j’ai un avis tranché sur la question, vu mes ennuis de santé ça aide.
. Il y avait peut-être un autre point, mais il s’est envolé dans ce cas ^^
Tant que le dernier point s’est envolé plutôt que de se prendre une vitre… :D Je note l’idée de la vieille radio, je dois en avoir une quelque part. Merci !
C’est pas un sujet qu’on a nécessairement envie d’aborder, mais j’aimerais bien l’avoir, ton avis sur l’euthanasie. Sur Bluesky les gens qui passent sur mon fil sont farouchement contres, et y’avait un type d’une violence inouïe qui se présentait comme handicapé et que l’idée même faisait sortir de ses gonds. Perso j’ai eu l’impression que beaucoup de choses différentes se confondaient dans le débat, le handicap et la maladie d’un côté, la fin de vie de l’autre, qui déjà à mon sens appellent peut-être des réponses différentes, mais surtout, j’ai été choquée de ce que la plupart des gens associent handicap et possibilité, je dirais même probabilité de déficience mentale. Genre tu souffres trop pour être en capacité de décider par toi-même…
Ayant vécu aux côtés d’une mère infiniment malheureuse, qui avait par ailleurs horreur qu’on décide à sa place, j’ai moi aussi un avis tranché sur la question. En revanche, il est possible que la formulation de la loi actuelle pose problème, certaines choses que j’ai lues semblent aller dans ce sens.
C’est un avis très personnel qui ne peut avoir aucune valeur dans le débat actuel tel qu’il est lancé. Je crois qu’il y a une confusion énorme de ce qu’est ce sujet, ou de ce qu’il devrait être. Par exemple, tu dis avec justesse, que ta mère n’aurait pas supporté qu’on décide à sa place. Or pour moi, il n’est pas entendable qu’on décide à la place de la personne (sauf cas rare d’acharnement thérapeutique excessif par essence, qui a donc perdu son sens), ce n’est pas à décider une fois devant le problème mais en amont. En parler en famille, entre amis, savoir ce que chacun voudrait dans un cas comme celui-là, c’est déjà éviter une grosse partie des écueils.
Personnellement, je suis pour. Tout simplement parce que je vis déjà au jour le jour avec la douleur, qu’elle peut être insupportable au point de vouloir se jeter sous une voiture ou contre un mur ou d’une fenêtre. Je ne peux pas envisager l’idée d’être un jour bloquée sur un lit, avec une souffrance non calmable. Je voudrais qu’on soit clément avec moi en fin de vie si je devais arriver à un point de souffrance insoutenable (qui ne redescendrait plus) et que je ne sois pas en capacité d’y mettre fin. Là je suis sur le suicide assisté, j’ai élargi le sujet, mais tout ça fait partie d’un même ensemble.
Donc oui c’est un sujet brûlant pour les gens. Je me souviens d’une mère qui a tué son enfant handicapé qui souffrait atrocement, elle n’en pouvait plus. Cet enfant (qui n’était pas si jeune d’ailleurs) le lui réclamait, encore et encore. Pas de loi pour aider, pas de médecin pour le faire. Elle a craqué, ou c’était très conscient je ne sais pas. Ce n’est pas juste qu’ils n’aient pas eu le soutien dont ils avaient besoin, pas juste qu’il y ait eu une telle souffrance sans pouvoir y mettre fin.
La loi est là pour permettre aux gens de se positionner ; tu es contre tu n’en bénéficieras pas, tu es pour tu pourras en bénéficier si jamais le besoin se fait sentir. On ne devrait par contre pas avoir le droit de refuser l’euthanasie à tout le monde juste parce que certains sont contre, des gens terrifiés à l’idée de mourir (parce que c’est en grande partie ça, finalement, le problème derrière ce refus). C’est une loi pour aider, accompagner, pas pour tuer les gens. Une loi qui demande le consentement pour mettre fin à une situation intenable depuis que la médecine a fait de tels progrès qu’on maintient en vie même lorsqu’il faudrait lâcher prise.
Je ne sais pas si ça t’a apporté quelque chose, ou si j’ai répondu suffisamment. Je ne connais pas les termes de la loi, je ne m’y suis pas trop penchée, mais de ce que j’avais lu, c’était respectueux du consentement et bien encadré.
Je te suis très reconnaissante d’avoir accepté de me répondre. Je partage totalement ton avis, d’un mot à l’autre. Je n’ai pas osé le partager avant d’avoir le tien, parce que j’ai construit ma position en temps que témoin, pas concernée directement. Il existe une possibilité non négligeable que je projette ma propre peur de la maladie (ce qui est assez « marrant », quand on sait à quel point j’ai peur de mourir.)
Ouf je viens de lire et l’article et vos commentaires, et pour 9h du matin, le sujet est pas évident pour commencer la journée mais tellement important… Perso, j’ai vu avec une de mes grands-mères (qui n’avait jamais signifié quoique ce soit par écrit), 98 ans, couchée dans un lit, plus de mot, plus de force, une perfusion pour la nourrir, de la souffrance due aux escarres, une médecin anti-fin de vie et des semaines interminables alors j’ai aussi un avis un peu tranché sur la question. Bien sûr, il faut encadrer pour éviter toute dérive de proches envieux de toucher l’héritage ou d’autres situations problématiques, mais le corps médical sait très bien qu’il y a un moment où il n’y a plus rien à faire, qu’il n’y a plus d’espoir et que tout ne va aller que dans un seul sens. Évidemment, certaines personnes comprennent mal et font des raccourcis (du style on va tuer toute personne diminuée) mais la loi proposée, ce n’est pas du tout ça.
A titre personnel, et ça je l’ai déjà verbalisé auprès de mes proches plusieurs fois, si je dois avoir une maladie ou un accident qui me laisserait à l’état de légumes, j’aimerais que la loi soit passée. Je pense à l’affaire Vincent Humbert avec qui j’avais 4/5 ans de différence à l’époque de son accident et de la médiatisation qui en a suivi est ce qui m’a convaincu de mon choix. Autant pour la personne que pour les proches qui sont dans un état de souffrance absolue, parce que tu peux te remettre d’un deuil mais ce genre de situation est comme un deuil qui ne finit jamais…
Tu m’avais pas forcément demandé mon avis mais bon je l’ai donné quand même ^^
Dans un registre plus léger, bravo Moya de t’empêcher de travailler ! et j’aime bien l’interprétation de ton élève sur Lancelot dans le monde d’aujourd’hui. J’avais espéré voir des Fous de Bassan en Normandie et Bretagne pendant les vacances mais je n’en ai pas croisés… l’occasion d’y retourner ;-)
Tu as bien fait de me donner ton avis ! J’étais assez abasourdie par la violence des « anti » sur Bluesky, que des gens qui se prétendent de gauche et analysent tous à l’aune des classes sociales, même quand ce n’est, à mon sens, absolument pas le sujet.
Je me souviens bien de l’affaire Vincent Humbert, j’avais commencé à lire son bouquin à l’époque mais je n’avais pas pu le terminer, sidérée et bouleversée d’imaginer une « vie » dans cet état.
Haha, merci pour mon élève :) Son « Layna est sa crush depuis un bail mais genre vraiment longtemps » m’avait mis le smile toute la journée :D
Je crois que les Fous de Bassan sont en période de reproduction, alors on doit surtout les trouver sur les sept îles justement, où ils reviennent chaque année pour nicher !
Oui parfois le net, pour ça, c’est assez impressionnant…
Je crois qu’il y a aussi une série sur le sujet mais je ne l’avais pas regardée, ce genre d’histoires me bouleversent aussi…
En fait il faut le garder toujours avec toi et le relire en cas de mauvaise passe, ça pourrait regonfler n’importe qui ! 😅
Ah oui je ne sais pas s’ils nichent ailleurs que sur les Sept îles du coup, en tous les cas ça devait être sympa à voir