Nantes et l’île de Gavriniz
Vacances 2025, je ne sais pas qui d’Angoisse ou Sérénité est tombée à l’eau (très probablement, c’est moi, les deux autres se portent très bien.)
Dimanche, je ne bois pas une goutte d’alcool et je note dans mon carnet que c’est facile : j’ai hâte d’être à demain, alors j’ai envie d’être au meilleur de ma forme. Je prépare une liste de choses à emporter et celle des choses à faire avant de partir, ça me permet de me coucher sereine. Je dors bien, très, très bien. En plus du sacrifice concédé à une meilleure hygiène de vie, la complémentation en magnésium commence, ai-je l’impression, à se faire sentir. Pas de spasmes musculaires dans les jambes, des rêves absurdes et prenants qui ne me réveillent pas tout à fait. En revanche, côté digestion, t’oublies. Ubik et moi omettront le traitement les deux jours suivants, sans quoi, on serait sortis de l’hôtel pour y revenir en courant ^^
On arrive trop tôt à la gare, évidemment. Ubik a bien voulu tenir compte de ma propension à prendre beaucoup trop d’avance, moi j’ai décidé de ne pas regarder l’heure et de lui faire confiance (bon moyen d’être honnête s’il avait fallu pérorer « je te l’avais bien dit ».) Si on a une demi-heure d’avance, c’est surtout parce que le train a dix minutes de retard, et ça, c’est pas cool, parce que dix minutes, c’est le temps exact qu’on possédait à l’origine pour attraper la correspondance à Rennes. Finalement, celle-ci nous attend, et on se cale dans le TER sans avoir eu besoin de courir.
On arrive à Nantes. Il fait beau, c’est notre premier jour de vacances ensemble, rien ne presse. On prend un café à la gare, un Americano bio servi par un beau mec hyper souriant, d’ascendance irakienne, peut-être (il a une vibe Saïd dans Lost, mais bon.) Je ne suis jamais venue à Nantes par le train. La dalle est grise et pas blanche, on voit des arbres, et seuls les tramways sont autorisés à parcourir l’esplanade : c’est silencieux, autant que peut l’être une ville.
Il est trop tôt pour prendre la chambre, alors on se dirige vers l’hôtel en passant par le château. La queue devant l’exposition Hokusai est modérée (1), mais le panonceau indique tout de même trois heures d’attente. Ubik n’y croit pas, moi je ne sais pas, mais ce dont je suis sûre c’est que j’ai déjà assez cramé jusqu’à la fin de ma vie, donc il me faut de la crème solaire.
On continue donc de se promener, et on tombe sur des vendeurs de livres, cd et disques d’occasion. Ubik se souvient que je possède un vinyle de Mylène Farmer que j’ai acheté dans ce genre d’endroit à un prix bien en dessous de celui du marché, mais pas de révélation cette fois-ci. En revanche, j’achète compulsivement un Bordage que je possède déjà (L’Évangile du Serpent, en fait je ne suis plus sûre de l’avoir et puis même si c’est le cas, je ne prêterais certainement pas mon exemplaire broché à mes élèves), un Graham Masterton que j’ai déjà lu (Les guerriers du silence, je ne m’en souviens plus, mais je sais que je l’avais adoré), un double Thilliez, parmi ses premiers, dont je ne sais plus non plus s’ils sont déjà dans la bibli, un Daphné du Maurier et un Camus dont il est certain qu’aucun de nous ne les a déjà lus. On achète de quoi picoler et petit-déjeuner à la supérette, et on cherche l’hôtel.
On récupère le studio (Appart’City, pas de pub, juste c’était extrêmement bien situé et très abordable) et on retourne voir au château. Toujours la même queue, toujours pas de crème solaire (oui, on est bêtes), et on se dit qu’on reviendra demain, ça a l’air faisable. En attendant, on retourne vers la gare se balader dans le jardin des plantes.
Des gamins jouent dans une piscine, des gens sont allongés sous les arbres, boivent du thé ou des bières ou… marchent sur les pelouses, interdites pourtant, c’est une respiration inattendue en plein cœur de ville. J’en conclus que je veux absolument une glace, et de retour dans les rues piétonnes on fait un bon quart d’heure de queue pour s’en acheter. Je ne regrette pas, Ubik a décrété que c’était une des meilleures glaces à la pistache qu’il ait jamais goûtées, tandis que mon mélange citron / poire-hibiscus m’a ravie.
De retour à l’hôtel, on regarde la fin de Slam et Questions pour un Champion (spéciale jeunes, ce soir, les lycéens de Metz ont une meilleure culture générale que moi, je suis sciée.) Plaisir de vacances puisqu’on n’a pas la télé, je crois qu’on y a jamais dérogé chaque fois qu’on est partis. On ressort manger au Cochon qui fume, tartare de bœuf pour nous deux, le serveur semble approuver discrètement. Un homme joue du violon dans la rue, je reconnais sans pouvoir m’en rappeler vu que j’écris en écoutant Cyborg Attack, mais je me souviens qu’il a interprété une des quatre saisons, l’Automne selon Ubik qui je pense a raison, et comme la bonne bourgeoise que je suis régulièrement, j’ai dit « aah, non, un peu trop rapide. » Je n’avais pas de monnaie à lui donner, j’aurais aimé, nous nous sommes souri et c’était beau, ce morceau, cet homme-là et ce moment.
De retour à l’hôtel on a regardé des télé-réalités sur le thème des rénovations de maison, pour une fois on a été convaincus par deux candidats, et comme d’habitude absolument scandalisés par les autres :D
Le lendemain matin, je prends un cachet, j’ai découvert récemment que la gueule de bois était le terrain de jeu préféré d’Angoisse, et que la petite pilule magique guérissait des deux. On petit-déjeune de café lyophilisé, d’œufs brouillés et de tartines de Saint-Moret en regardant un reportage d’Arte sur les lions, vraisemblablement écrit (au minimum traduit) par une IA.
Nous passons au château, la queue devant l’expo indique dans les cinq heures d’attente, et on fait sacrément la gueule, d’avoir été assez stupides hier de n’avoir pas tenté notre chance quand il n’y avait « presque personne ».
Du coup, on marche jusqu’à l’île, pour voir les Machines. Là aussi il y a beaucoup trop de queue, mais on arrive alors que l’Éléphant avance aussi pesamment que nonchalamment sur l’allée entre les ateliers, et je ne regrette pas une seconde d’être là.
Après quoi nous retournons au château, où la queue s’est encore allongée, alors nous allons manger des ravioles dans un resto chinois, puis nous décidons d’aller visiter le Muséum d’Histoire Naturelle, que je voulais voir de toute façon, n’ayant jamais mis les pieds dans aucun musée de la sorte. Il y a plus de monde aujourd’hui qu’hier, mais la relative absence de voitures, les larges trottoirs le long de la Loire et les arbres plantés régulièrement rendent le trajet agréable. Je trouve Nantes plus vivable que Rennes, et bien qu’elle soit plus grande, j’en reconnais des pans entiers. Je me rends compte que même quand j’étais étudiante, plutôt fauchée donc, et que je venais aux Utopiales, j’ai toujours pu me loger en centre-ville. Ça n’a pas changé, la ville est bien plus abordable.
L’entrée du Muséum est nichée dans un square en plein quartier riche. Si j’étais une écrivaine assez renommée pour participer à la collection « La nuit au musée », si on me refusait l’accès à la galerie des antiques du Louvres, je choisirais sans hésiter de passer une nuit dans un muséum d’Histoire Naturelle.
J’ai fait une vidéo du squelette de rorqual mais mes mains tremblent trop. Il y avait aussi le squelette d’un animal qui apparemment est un cétacé, même si on a longtemps cru qu’il s’agissait d’un reptilien. Dans un cas comme dans l’autre, leurs proportions gigantesques m’ont bouleversée.
On retourne en ville pour voir la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Sur le chemin, on se retrouve sur une place. Les statues qui ornent habituellement la fontaine ont été déposées, et remplacées par des sculptures contemporaines que je ne trouve pas du meilleur effet, d’autant plus qu’elles représentent des gens lambdas, qui se tiennent donc précisément là où l’on n’a pas le droit de se tenir. Drôle d’hommage à un peuple qu’il faut garder loin des monuments.
Une voiture de flics arrive derrière nous. Un coup de clairon, on essaie de dégager le passage sans y parvenir, les jeunes devant nous nous en empêchent et on ne sait pas où vont les keufs, à droite ou à gauche. Quand ils parviennent à passer, le flic assis sur le siège passager me regarde, nous regarde plus probablement, et lance, furieux : « et vos culs, vous pouvez pas les bouger ? » Ma réponse a fusé sans que je puisse la retenir : « mais ça va oui, connard ! » Heureusement qu’ils étaient déjà partis, sirènes hurlantes. Ubik en rit encore, mais c’est seulement parce que j’ai pas passé la nuit au poste. J’ai le plus grand respect pour les forces de l’ordre, parce que je ne suis pas de gauche quand il s’agit de leur cracher dessus et parce que j’ai très peur de l’autorité, mais justement, mon premier réflexe a été de suffoquer d’indignation qu’un représentant de l’État se permette de parler de cette manière. Tout ce qu’il y a de pas net chez moi s’en est retrouvé crispé un bon bout de temps après ça !
La cathédrale et sa crypte sont fermées suite à un incendie, alors on pousse jusqu’à l’île de Versailles parce que s’y trouve un jardin japonais. C’est très joli. Depuis 2009, Nantes est jumelée avec Niigata, un arbre a été planté pour en témoigner et une mini-expo photo nous permet d’admirer des jardins japonais dont on retrouve l’influence ici.
Au retour, on s’arrête encore au château. Trois heures d’attente annoncées, on a acheté de la crème solaire, Ubik me dit « on peut revenir demain », mais non, c’est maintenant, je crains que sinon on n’entre jamais.
Finalement, on a beaucoup de chance car on attend seulement une heure et demie. En plein cagnard, par contre, et les vertiges font une apparition surprise avec tous leurs copains : fourmis dans la main gauche, cardio qui s’affole et difficulté à me concentrer. Connaître désormais les symptômes les rend plus faciles à gérer, mais je panique à l’idée de paniquer car je ne veux pas dire à Ubik qu’on a attendu tout ce temps pour rien – et moi aussi je veux la voir, cette expo. Ça va et ça vient par vagues, je me rassure en me disant qu’au pire j’ai ma trousse de secours. Je ne suis pas mécontente quand on nous fait rentrer, la jeune fille qui gère la queue dit « oh, allez, neuf, c’est pas grave » alors qu’elle n’avait que huit places. J’ai l’impression que si elle nous avait fermé la porte au nez, j’aurais craqué.
À l’intérieur on poireaute encore un bon quart d’heure. Les deux caisses qui vendent les billets sont aussi celles de la boutique, et l’un des caissiers est en formation…
L’expo est chouette. Je retiens particulièrement quelques paysages, les yokaï et les grandes tapisseries. On se marre en observant des gens prendre un air savant devant chaque détail et on ressort très contents. « Mais on est entrés » sera notre leitmotiv de la soirée !
Il est tard alors on expédie l’apéro et on va manger dans un resto nippo-coréen. Trois blacks s’installent au carrefour (on est dans le centre, exclusivement piétonnier) et se lancent dans une démonstration de capoeira qui me laisse bouche bée, quand bien même je vois qu’ils n’ont pas un niveau exceptionnel.
Barbecue coréen pour monsieur et sojadon pour moi, c’est bon. Comme j’ai, par réflexe, répondu « oui » au serveur quand il m’a demandé si je voulais qu’il m’explique ce qu’étaient les accompagnements, il me prend pour une noob et m’apporte une fourchette. Je me suis donc appliquée tout le long du repas à finir le moindre grain de riz avec mes baguettes.
On rentre mater Enquêtes 90′ sur le quotidien des gendarmes du sud – c’est même plus un marronnier d’été, à ce stade, pourtant tous les ans ils arrivent à faire un reportage inédit.
On repart le lendemain. Bizarrement je suis bien moins satisfaite qu’avant-hier d’avoir acheté tant de livres. Je combote xanax café croissant à la gare, ce qui tient les vertiges à l’écart mais ne me rend pas plus docile ni zen : une femme nous demande de l’argent avec l’histoire habituelle du « il me manque seulement un euro pour payer ma chambre » (il est onze heures du mat’) et quand je lui réponds, ce qui est vrai, que je suis désolée mais que je n’ai pas de monnaie, elle se barre en m’accusant de mentir. Ça me rend DINGUE. J’ai horreur qu’on me fasse des reproches injustifiés et donc injustes. Ubik me dit que je devrais éviter de donner des détails, mais moi je trouve que c’est plus chaleureux qu’un « non » dont la fermeté me paraît toujours un peu condescendante.
J’ai passé deux jours à me faire bousculer par des piétons qui prennent les autres pour des PNJ dans le grand récit de leur vie, et je crois que je ne suis plus en état de gérer ni le bruit ni la fureur. Il est temps de rentrer.
Pause d’une demi-journée à la maison, Moya nous fait un peu la gueule. Elle est d’autant plus contrariée de nous voir repartir le lendemain !
La vente aux enchères est pour nous un échec total, auquel on s’attendait un peu mais pas dans ces proportions : il y a des gens très, très riches, dehors. Prêts à mettre 45 000 euros dans un terrain qui, au prix déjà élevé du marché, n’en valait « que » 30, maximum.
On achète des chocolats pour compléter ma pile de livres à offrir et on remet le cap vers le sud, en voiture cette fois.
Je n’entrerai pas dans les détails de ces trois soirées en Morbihan car elles impliquent principalement des moments en famille et les photos qui vont avec. Mais mes beaux-parents nous ont offert, à leurs enfants et aux conjoints de ceux-ci, la traversée vers l’île de Gavriniz et outre que c’était un très chouette moment entre nous, c’était aussi une visite émouvante – en tout cas, moi ça m’émeut, de contempler des gravures datées de 6400 avant JC.
Je ne sais pas si nous irons quelque part la semaine prochaine ou plus vraisemblablement la suivante. Les possibilités de réservation s’amenuisent, et je rentre de la presqu’île avec une crève qui ressemble à un covid (je sais pas toi, mais depuis l’apparition du virus chacun de mes rhumes un peu costauds me tombe sur les poumons). De toute façon j’ai besoin de solitude et de silence – enfin, de silence… De Cyborg Attack, d’Amduscia, et de l’écran blanc de mes nuits noires, pour paraphraser et réinterpréter Nougaro.
1 Objectif de notre voyage, l’expo était un pari parce que les places réservées étaient vendues depuis un moment. Tout est complet jusqu’à la fin de l’expo en septembre.
5 commentaires
Bah dis donc une heure et demie de queue au soleil, ça c’est de la motivation ! :D
Sympa les restos et les artistes en tout cas, les musées aussi !
Bon si un jour j’apprends que tu es en garde à vue, je saurai pourquoi, c’est noté :D
C’est la première fois que les œuvres d’Hokusai quittent le sol japonais, on avait vraiment envie de les voir ;)
Oui c’était un petit séjour très sympa !
Haha oui, à mon avis il n’y a aucune autre raison qui pourraient m’amener à finir en garde à vue :D
Très joli petite parenthèse nantaise, merci de l’avoir partagée :) j’adore la façade du musée et bravo pour l’attente ! Moi aussi ça m’aurait ému les gravures anciennes et peut-être l’expo aussi (je suis vraiment très sensible !)
Contente que ça t’ait plu, merci beaucoup !
En tout cas, je sais pas, mais moi je trouve ça normal d’être ému par ce genre de choses. Seules les personnes incapables de se projeter ne le sont pas, et c’est bien triste pour elles ;)
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