Le solstice intérieur
Sur les rives de l’été.
Samedi 31 août, 22h41
J’y arrive pas, à suivre les cycles calendaires « naturels », les solstices, les équinoxes et les fêtes païennes, même si j’aimerais. Ils se perdent presque chaque fois dans les brumes d’une temporalité qui m’échappe, que je ne ressens pas. Ce sentiment d’être déconnectée, ballotée.
Alors cette année, j’ai décidé qu’elle serait ponctuée de mes propres césures. Et ce soir, je célèbre la fin d’Août et l’arrivée de Septembre.
C’est la fin de la saison entre les saisons. C’est le moment où les fleurs endormies le redeviennent, où leurs parfums opiacés se dissipent.
Il y a quelque chose de doux et triste à la fois, à quitter cet endroit. Il y règne une torpeur qui incite aux émotions violentes. On s’y catharsise sans garde-fous ; la frontière est mince entre purgation et possession.
Quand elle était ado, ma sœur a écrit un roman intitulé Le rêve d’Alice. Il y est question d’un labyrinthe. Et au bout de celui-ci, il faut plonger dans un étang, où patiente un requin.
Chaque été, je descends dans l’eau claire où s’ébattent mes peurs les plus intimes. Et chaque été il faut nager, aveuglée par les larmes et la panique, et pas couler, pas couler, en dessous c’est la mâchoire du cauchemar, c’est la mort.
Alors comme minuit s’avance, et avec lui le premier orage de l’été, je regarde depuis la berge retrouvée les remous créés par les bêtes sous-marines, et au loin le champ de fleurs qui dodelinent – déçues ?
00h00
Voilà Septembre. Je ne peux m’empêcher de jeter un coup d’œil en arrière. Et puis je franchis la porte. Je sais que le temps n’est pas tout à fait linéaire, on finit toujours par remarcher dans nos propres pas. Dans un an, je me tiendrai de nouveau devant les grilles du jardin des fleurs endormies, et je chanterai encore pour les réveiller, pour qu’elles me racontent qui je suis.