Le vide à nos pieds
Et parfois une lueur qui y scintille.
Tu sais, quand j’ai écrit Tous les fantômes et tous les rêves, au moment où j’ai tapé « Maman voudrait que je le sois », une chappe immense est tombée de mes épaules. J’ai écrit en mode semi-automatique (j’ai fait une pause douche, une pause dîner avec le truc qui tournait en fond et prenait forme) et sur cette ligne-là il s’est vraiment passé quelque chose. Le genre de soulagement qui te submerge quand une douleur prend fin. Ça me rappelle une fois, ado, où mes règles me maintenaient tordue échouée crucifiée sur mon canapé et où ça s’est arrêté d’un coup et où j’aurais presque voulu que ça recommence, juste pour ressentir l’extase de l’apaisement encore une fois.
Ben là c’était pareil, mais avec autre chose en plus, je sais pas comment dire, une chaleur, mais mentale tu vois, la sensation d’être entourée, rassurée, rassérénée, c’était hyper fort, et ça m’a donné l’impression qu’elle était là, ma mère. (ça me semble absurde et abrupt, maintenant, « ma mère », alors que je dis « mon père » tous les jours, mais c’est comme si j’avais des années-lumière de haine et de dégoût à rattraper.)
C’est comme si elle était là, Maman, et je sais pas trop si elle était là pour me souffler quoi que ce soit ou si c’est que j’entende, j’entende l’évidence que bien sûr elle m’aimait (son évidence à elle je veux dire, pas celle de toutes les mères) et que les fantômes c’est ça, des choses qui te hantent et des choses qui se transforment et te transforment (plutôt l’inverse sans doute), mais je te jure c’est comme si elle était là.
Et je me suis dit après coup que si ça existe, les fantômes, les rémanences,
(ici je m’exclame « et merde, après tout, bordel », parce que je suis extrêmement vulgaire, et que je vais me chercher une bière alors que je zieute la pendule depuis tout à l’heure et que j’avais dit que j’irais me coucher à 21h30.)
Si ça existe, les rémanences, eh bah peut-être que ça ne peut que t’orienter, seulement t’envelopper de tendresse quand enfin tu comprends, et aussi, qu’une personne comme maman, elle n’aurait jamais pu me faire comprendre ça avant, et ce que j’ai ressenti, c’est qu’enfin elle était libre tu comprends, et c’est pour ça que j’avais envie de pleurer à ce moment-là, parce qu’à la fois je la savais libre et que j’avais raison alors moi aussi j’étais enfin libre.
Fantôme ou circonvolution du cerveau, c’est comme la fois où Enzo Enzo est passée à la radio alors que je conduisais vers l’aéroport pour aller passer le concours.
Et de son vivant, ma maman n’a pas été tant là que ça, quand il m’arrivait un truc important. De moins en moins, en tout cas. Alors j’ai envie de te dire, c’est peut-être m’agripper à l’absurdité pour tolérer le vide à mes pieds, mais ça m’est bien égal.
4 commentaires
Je suis une personne très peu rationnelle, j’accepte ce qui vient, ce qui est, le bancal, les signes, l’au-delà. Je ne crois absolument pas en Dieu, mais les fantômes par contre, oui – depuis que j’ai six ans. Et s’il ne s’agit que d’une rémanence alors c’est bien aussi, c’est doux à lire, sa liberté et la tienne <3
Je ne crois pas aux fantômes – j’ai reçu une éducation très très cartésienne. Plus je vieillis, plus je me rends compte que mon père, ce grand logicien devant l’éternel, éprouve et dit tout un tas de choses qui ne sont pas rationnelles. Et… je ne sais pas. Je crois que c’est trop ancré en moi, et en même temps, des signes, j’en ai vus, des choses étranges, j’en ai vues aussi. Je crois que les histoires qu’on se raconte existent davantage que les faits. Si je voulais philosopher, je dirais qu’atteindre la clarté, découvrir les faits bruts, c’est essentiel.
Mais je crois aussi que c’est bien trop douloureux, en plus d’être idéaliste.
Ça mériterait une dissertation, tout ça ^^
C’est un sujet qui me passionne, j’y serais prête, mais c’est pas trop le lieu et je suis trop fatiguée :P
Tous les signes, d’où qu’ils viennent, sont bons à prendre si ils nous font du bien, c’est ce que j’ai envie de me dire et de penser.
♥