Les vagues
Je pense à Eliness, qui dans son dernier billet ne sait plus répondre à cette question : « comment ça va ? » Moi non plus, je ne pourrais pas, pour des raisons très différentes, certes.
Je n’ose pas écrire que je me sens très bien alors que je fais la planche au milieu d’un océan.
Je glisse de vague en vague. Aux apex comme ce soir l’eau m’élève vers le ciel, j’ai le visage baigné de soleil, des fous de Bassan imprimés sous les paupières. Dans les creux la peau constellée d’embruns, le gris des nuages comme une couverture où je m’enroule. Je suis ivre le soir, je suis fatiguée le jour, je ne sais plus quand est demain, je m’y jette sans un regard, et tu sais pourquoi c’est bien ? Parce qu’Angoisse se tait. Elle ne peut pas se projeter si je l’aveugle. Elle a des sursauts qui me plient en deux, quand elle réalise ce qu’on s’apprête à faire, mais c’est trop tard. Je lui jette un cachet léger qu’elle gobe par réflexe et le temps qu’elle déglutisse sa surprise, je me suis lancée.
Quand j’ouvre les yeux le matin, je sais à peine que dans une heure, parfois une demi-heure, je vais partir au boulot.
Je fais ce que j’ai à faire. La réunion d’aujourd’hui qui me faisait flipper, les cours à 8h du mat’. Je suis prête. Mais je traverse l’avant et l’après dans un brouillard que ne transpercent que les émotions brutes : la fièvre ascendante des épisodes de Disclaimer, la beauté du paysage sur la route de Paimpol, les échardes lumineuses de la musique de Jeremy Soule. Je peine à intellectualiser. Je ne me maintiens à flot que parce que j’ai des obligations. Tout ce que je façonne retournera à la mer, de toute façon.
Hier soir c’était lundi, alors j’ai fait des étirements sur la terrasse, me suis brossé les dents sur un pied (je travaille mon équilibre, tais-toi) et ai tenté de méditer (je me suis endormie en cinq minutes). Mais j’ai pas arrêté de boire.
Je ne pourrai retenter que lundi prochain, plaisantais-je à demi tout à l’heure : je ne peux pas commencer un truc au milieu de la semaine, j’aime les comptes ronds. Une demi-blague en effet : vraiment si ça ne tombe pas un lundi ça me semblera vain. Tu peux pas prendre un train qui est déjà parti.
Alors d’ici là, une semaine de plus j’attendrai, triste et assommée, et si heureuse en même temps.
2 commentaires
Peut-être le sens n’est-il pas d’aller bien ou d’aller mal, mais juste d’aller ?
(le titre, mon roman préféré, on n’est jamais aussi seul que ce qu’on croit)
(<3)
« le titre, mon roman préféré, »
Je sais ;) <3