XX
Watch out ! Horrible things inside !
Pas le moindre bout de cigarette dans le coin. Sniff. Patience. En plus avec mes 20 balles je voulais m’acheter le bouquin d’Attac. Alors, la révolution ou les clopes ? Ce serait con quand même de pas s’engager pour pouvoir profiter encore de mon ptit confort (avant de crever rongée par le cancer).
Il est 23h 45, demain j’me lève à 6h… Cherchez l’erreur, d’habitude j’suis au lit à 21 heures lol ! En plus j’ai une interro d’histoire, et mardi un bac blanc d’espagnol, et j’vois pas bien comment j’vais faire pour rattraper le sommeil perdu. Tant pis, fuck off. J’veux pas me coucher j’fais la grève. Trop de choses plus importantes à faire, comme raconter ma vie à tout le monde par exemple lol. Vous trouvez ça facile à lire vous comme couleur, le mauve pâle sur le noir ? Pas terrible hein. Bon ben encore tant pis, au moins c’est joli (non ce n’est pas pisseux, c’est joli.) Non mais. Allez va te coucher tu raconte n’importe quoi. Paraît que la fatigue a un effet euphorisant. Va te coucher j’te dis, là j’suis lancée je peux plus arrêter d’écrire des trucs de plus en plus inintéressants. J’ai trouvé un truc pour avoir l’air encore plus morbide, c’est pour faire parler les gosses dans le car ils m’appellent Morticia (notez l’imagination débordante). Je m’étale mon crayon noir sous les yeux, ça accentue les cernes, genre tête de déterrée c’est sympa. Allez j’vais vous quitter, j’vais essayer de lire L’être et le néant, juste un chapitre histoire d’en faire un peu tous les soirs. A c’t’heure-ci c’est pas gagné. Bonne nuit.
Haha ! Vous avez eu peur, hein ? Il est-y pas magnifique, ce concentré de lolitude ? Et ce petit vernis de gothisme intello ? Hein ? Je rougirais, si j’avais pas passé l’âge d’avoir honte de moi (enfin sur ces sujets-là, quoi.) C’était le dimanche 18 novembre 2001. Eh ouais ! Aujourd’hui, ça fait tout pile vingt ans que je blogue !
Y’a pas à dire, en me relisant je ressens certes une pointe de nostalgie amusée, mais surtout un immense soulagement. Quel foutoir que cette époque !
Je veux crever ou être quelqu’un d’autre, je veux pas mourir mais j’arrive pas à vivre. J’ai l’impression d’être un puits sans fond, qui aspire les sentiments et peut-être même les êtres (Julia…), mais qui ne s’en satisfait pas. Je me sens vide et creuse et j’ai du mal à supporter d’être moi. Me cacher sous des tonnes de vêtements, m’ensevelir sous le noir, disparaître, fondre ou vivre… Mais faire quelque chose.
Voilà. Autant dire que je suis bien contente que ça soit fini, d’autant que ça a pris bien plus longtemps que l’adolescence. Eliness me demandait : « [nos démons] ne nous manqueraient-ils pas, s’ils venaient à disparaître ? » Elle remarquait également : « on a grandi, on a changé, et pourtant il y a de solides fondations de nos personnes qui sont toujours bien là. » Et c’est marrant, parce qu’avant d’aller relire son mail, je m’apprêtais à écrire que j’étais heureuse que cette Nathalie-là n’existe plus. Mais je me rends compte que ce ne serait pas tout à fait honnête. Je suis toujours cette fille-là, qui pérorait sur un ton parfois très péremptoire et pédant, et qui souffrait, rêvant d’une complicité gémellaire avec autrui mais incapable de communiquer. Simplement, c’est une Nathalie apaisée et un brin moins obtuse qui dirige la barque, désormais. Ces failles, elles me parcourent toujours, mais je les gère bien différemment, en partie parce que je ne suis plus égocentrée comme alors : je n’ai plus l’impression que les gens me sont de tels étrangers qu’ils représentent une atteinte à ma personne.
En fait, j’étais un peu genre je fonce dans une personne que j’ai élue, en espérant que paf ! On soit amies et complices forever parce que ce qu’il y a entre nous va au-delà des mots et du vécu. Bon, je fais encore ça, parfois, mais la plupart du temps je garde mes délires pour quand je suis Marlene, et ça me suffit. Peut-être parce que finalement la clef quand on ne s’aime pas trop, ce n’est pas de trouver son alter ego, mais d’être apprécié par des gens qui ne nous ressemblent pas…
J’ai l’impression qu’en réalité, il y a plus reconfiguration que disparition. Il y a des chemins que j’ai peu à peu cessé d’arpenter, alors aujourd’hui ce sont à peine des sentiers, quasi-impraticables. Ils sont intégrés dans un domaine plus grand.
mercredi 1er août 2001
En français cette année, on a vu l’autobiographie, ses enjeux, son sens. Pour l’instant je n’ai raconté ma vie qu’à moi. Mais maintenant, je projette de créer mon site internet, donc les questions inhérentes à l’autobio se représentent. L’écriture est-elle une mise à mort comme le disait Stendhal ? Et en ce cas, qui suis-je en train d’enterrer ?
Pourquoi, comment, à quelles conditions ?
Ce projet intervient alors que je viens de déménager, donc d’abandonner un monde pour un nouveau, que je dois découvrir. Ç’a été l’occasion de me débarrasser, ou au moins de faire disparaître de ma chambre, tout ce dont je ne voulais plus, ce qui appartenait à une époque révolue. J’essaie de découvrir des choses, de pousser plus loin l’introspection. Il y a donc une identité qui est morte. À moins qu’on considère ça dans l’ordre de l’évolution. Personnellement, je ne sais pas quoi en penser ni quelle appréciation est la bonne, si tant est qu’il y ait une bonne et une mauvaise façon de voir les choses.
Donc, en m’acharnant à tout disséquer, je mets à mort. D’ailleurs toute l’idée est contenue dans ce verbe « disséquer ». On n’autopsie que les choses mortes*. Est-ce que je suis capable de me plonger avec une objectivité complète dans ce que je suis en ce moment précis ? Je ne suis pas sûre. Je suis bien morte. Kali a pris le relai.
Cependant, cette mise à mort aurait pu s’effectuer dans l’anonymat. Mais je vais me raconter sur internet… Mais c’est mon moi actuel que je vais raconter… Je ne sais pas bien ce que ça implique. Le pourquoi non plus, je ne suis pas bien sûre de le saisir. Je pense que ça vient en partie de la solitude. Je crois qu’on se sent un peu moins seul si des tas de gens savent qui nous sommes. C’est en partie un leurre : on visite le site, on s’en va, on en voit d’autres… L’anonymat reste de mise. Mais je sais d’ores et déjà que mon site figurera plutôt dans les annuaires gothiques, et ça me donne l’impression d’appartenir à une communauté. L’autre raison, c’est que la création d’un site me semble une « performance » artistique. Chercher la beauté, la mise en forme… Et puis ce sera l’occasion de mettre mes textes en ligne, ça peut servir.
La condition, c’est de ne pas tomber dans le narcissisme total. Ou plutôt, pour le justifier ou l’excuser, de proposer une analyse de moi, une démarche d’apprentissage dans l’exposition d’auto-portraits etc…
* Notez mes merveilleuses facultés de raisonnement. Ce qui ressort de cette suite de phrase, c’est que je disséquais des trucs encore vivants, et que donc je les tuais. Aïe !
J’aime bien ce texte, quoiqu’il soit mal écrit et empesé (la reine est morte, vive la reine… blablabla.) Je me reconnais toujours pas mal dans ses deux derniers paragraphes – si on oublie la consécration gothique. J’avais envie de le faire figurer dans ce billet parce que je trouve qu’il fait plutôt bien écho à la question que posait Eliness il y a cinq ans : quelles sont les choses les plus importantes que le blog t’ait apportées ? Ma réponse tournait autour des amitiés gagnées et de l’effort intellectuel que requérait l’écriture. C’est assez proche des objectifs qui présidaient à l’ouverture de ce premier site, finalement !
Ceci dit, quand j’y pense, c’est pas le blog qui m’a apporté des amitiés. Il a peut-être permis d’en entretenir quelques unes, mais j’en doute : c’est totalement à sens unique, comme « relation. » Mes amis d’Internet me sont venus d’abord de l’Anarctique, un petit forum que j’avais créé au lycée et qui a réuni des gens qui s’étaient rencontrés sur le forum de damiensaez.com :) On parlait musique et politique et on s’écharpait parfois violemment. C’était chouette ! Et après, il y a eu l’asso, Les Chemins de Traverse. Si presque tout le monde a pris des directions différentes, j’ai tout de même conservé mon cher Gradlon, ainsi que son frère Lamatyave avec qui je corresponds toujours !
Du coup, c’est presque étrange de me dire que je blogue depuis aussi longtemps. Je pense que j’ai toujours blogué en pensant à La Lune Mauve. À l’époque de son forum, j’ai correspondu assidûment avec Starless, Wizzard, LynnLae et Frÿsoler. Seule la dernière est restée, mais j’ai aussi rencontré les autres et vécu avec eux de chouettes moments. J’aurais bien aimé, à l’époque, créer quelque chose de cette ampleur. Finalement, tous les gens que j’ai connus sur le web sont des gens avec qui j’ai partagé une passion – au moins, un bout de Toile.
mercredi 12 février 2003
On écrit tous sur Internet parce que sinon notre vie aurait l’air tellement morne, tellement commune. Alors qu’en fait, elle est unique, c’est la nôtre, nos sentiments, nos expériences, et pour le prouver et s’en convaincre, on raconte. La douleur, la joie, les amis, les cours, tout, parce que c’est nous qui les vivons alors c’est forcément important. Je me sens inactive, perdue dans l’habitude et les soirées banales où tous ces adultes pas encore tout à fait mûrs se retrouvent pour faire la fête afin de ne pas se croire devenus vieux. Pour se donner l’impression qu’on s’éclate alors qu’on est tellement tristement tous pareils, à se traîner à nos cours avec au bout du couloir un grand mur blanc sur lequel imprimer notre vie rêvée.
Il y a sans doute un peu de ça – même si aujourd’hui je ne le formulerai pas avec une telle amertume (en 2002-2003, j’allais très mal.)
mardi 4 mars 2003
Je regrette la spontanéité du net. Je veux dire, avant il y avait quelques sites, quelques journaux intimes, où la personne se livrait crûment et sans fard, avec beaucoup de spontanéité. Mais comme toujours, il arrive un événement par lequel les dites personnes comprennent que raconter ses expériences personnelles sur internet sans un minimum de travestissement peut s’avérer dangereux ou du moins, pénible. Je n’arrête jamais de tenter d’analyser ce processus d’écriture publique, quoi que j’en dise. Et je me dis que cette perte d’intimité enlève du même coup en grande partie l’intérêt des pages perso. Parce qu’au bout du compte, nous nous livrons tous au même exercice mécanique, où seule la qualité d’écriture pourra faire une différence, puisque désormais nos expériences infiniment personnelles ne sont plus en ligne, laissant la place à des comptes-rendus aseptisés, forcément semblables. J’essaie vraiment d’être vraie sur ce site, mais même moi j’écris un journal en parallèle, qui ne sera pas reproduit ici. Pourquoi ? Pas encore par peur du public, je ne l’ai connu que trop peu de temps avant ma retraite virtuelle. Enfin, je dis cela dans le sens où je ne crains pas d’être découverte, reconnue. Par contre, le public m’intimide, dans la mesure où j’aurais du mal à exposer ouvertement des choses qui ont pu m’arriver avec d’autres personnes, ce que je ressens pour elles, etc. J’aurais l’impression d’être nue et impudique, quasiment au sens physique, et j’ai toujours eu, sinon horreur, un certain malaise à l’idée de me montrer, de dévoiler mon corps comme mes pensées.
Comme quoi… C’est vraiment un truc de réac’, les « c’était mieux avant » :D
Ceci dit, Paradize… Ça a clairement été mon contrepoint à la pudeur. Plus les années ont passé et plus j’ai été rentre-dedans. C’est plutôt étonnant, quand j’y pense.
Mais comment j’étais trop intelligente !!
D’autant plus que vouloir absolument se différencier, c’est passer exactement par le même formatage puisqu’il faut se référer à des normes existantes pour décider de ce qui n’est pas nous.
Allez… C’est assez. Y’en aura eu, des doutes et des maladresses ! Y’en aura sûrement d’autres. Je suis plutôt curieuse : bloguerai-je encore à cinquante balais ? Je pense que oui… Et j’ai presque hâte de voir ce que j’y raconterai.
*
Words don’t come easy to me
How can I find a way to make you see I love you
Words don’t come easy
Words don’t come easy to me
This is the only way for me to say I love you
Words don’t come easy
Well, I’m just a music man
Melodies are so far my best friend
But my words are coming out wrong
Girl, I reveal my heart to you and
Hope that you believe it’s true ’cause
Words don’t come easy to me
How can I find a way to make you see I love you
Words don’t come easy
4 commentaires
Je trouve ça absolument trop mignon tes vieux textes, moi :D
Et j’adore la référence aux « annuaires gothiques ». Eh ouais avant on allait sur des « sites internet » qu’on trouvait dans des « annuaires ». Ajd au pire on va sur des blogs, dont on nous a filé le lien, tout le reste c’est Google l’annuaire, et je suis pas sûre qu’il soit très gothique :D
« Je trouve ça absolument trop mignon tes vieux textes, moi :D »
J’en ai des bien pires sous le coude, si ça t’intéresse :D Des bien clichés, avec des majuscules et des citations de Mass Hysteria et tout :D
Ouais, j’ai une grosse nostalgie pour les débuts d’Internet, en vrai :P Appartenir aux « rings » ou être simplement linké par un autre blogueur, c’était une consécration !
(d’ailleurs, je me suis vu refuser l’entrée à un annuaire gothique, j’en ai fait tout un billet à l’encontre de ces connards prétentieux ;P)
[…] à être comprise et aimée, pas à discuter. J’ai jamais dépassé le stade du “jte percute de plein fouet et on va s’aimer parce que c’est obligé.” Pas quand j’écris, en tout […]
[…] première année, j’ai rencontré Régina. Je sais pas si c’était en hommage à mon année de term’, mais j’avais décidé de participer à la grève. Je me suis retrouvée dans un escalier, à […]